Sous-louer des locaux commerciaux : comment faire ?

En ces temps de crise persistante, nombreux sont les commerçants et les sociétés qui partent en guerre contre les charges superflues et essaient de réduire des coûts prétendument incompressibles.

Pour ceux qui disposent de locaux d’une superficie supérieure à leurs besoins, la tentation est donc grande de sous-louer une partie desdits locaux, afin de réduire le poste « Loyers et charges locatives » de leur compte de résultat.

Or, en matière commerciale, le principe est qu’il est interdit de procéder à une sous-location totale ou partielle de ses locaux (article L.145-31 du Code de Commerce).

Cependant, il est possible d’y déroger, sous réserve de respecter scrupuleusement un certain nombre de règles.

I. PREMIÈRE CONDITION : UNE AUTORISATION DE SOUS-LOUER DONNÉE PAR LE BAILLEUR

L’article L.145-31 du Code de Commerce prévoit effectivement que le bailleur peut renoncer à l’interdiction légale de sous-louer des locaux commerciaux, dans la mesure où cette renonciation est exprimée dans le bail (A) ou fait l’objet d’un accord extra-contractuel du bailleur (B)

 A. L’autorisation de sous-louer, stipulée dans le bail

Cette autorisation, qui ne va pas de soi et qui, le cas échéant, doit être négociée par le locataire principal avec le futur bailleur avant la signature du bail, figurera donc expressément dans le contrat de bail.

Cette autorisation peut porter sur tout ou partie des locaux loués, voire ne concerner qu’une partie des activités pour l’exploitation desquelles les locaux ont été mis à disposition.

 B. L’autorisation de sous-louer, exprimée hors contrat

Même sans clause d’autorisation expresse dans le contrat, le bailleur peut, au cas par cas, permettre au locataire principal à sous-louer.

Il pourra ainsi, le cas échéant, faire échec à une clause du contrat de bail qui interdit expressément la sous-location ou qui la soumet à différentes conditions (durée, forme de la sous-location, qualité du sous-locataire, etc…).

Il est conseillé de recueillir l’accord exprès du bailleur dans une telle situation. En effet, le silence du bailleur, lorsqu’il est appelé à concourir à l’acte de sous-location (cf. II ci-après), ne saurait valoir acceptation tacite d’une sous-location qui n’aurait pas été autorisée dans le contrat de bail.

Cette autorisation doit être antérieure à la sous-location, mais rien n’empêche une régularisation ultérieure.

A cet égard, il a pu être jugé que l’accord de sous-location pouvait se déduire de la mention « bon pour accord », apposée par le représentant du bailleur, sur une lettre qui lui avait été adressée par le sous-locataire en vue d’obtenir un accord exprès sur des travaux à effectuer dans les locaux concernés (Cour de Cassation, 3ème Ch. Civ., 8 avril 1992).

De même, la connaissance d’une situation de sous-location pendant de nombreuses années, si elle est démontrée, peut être opposée à un bailleur, qui viendrait à contester l’avoir autorisée : attention, néanmoins, car les tribunaux sont souverains dans l’appréciation d’une acceptation tacite du bailleur portant sur cette situation a priori illicite.

II. DEUXIÈME CONDITION : L’APPEL DU BAILLEUR A INTERVENIR A L’ACTE

Avoir l’accord du propriétaire bailleur n’est pas suffisant pour sous-louer.

En effet, il faut également l’avoir appelé à concourir à l’acte de sous-location.

Cette exigence peut aisément se comprendre :

– d’une part, si le bail autorise la sous-location mais pose des conditions à celle-ci, il faut mettre le bailleur en mesure de constater que lesdites conditions sont respectées à l’occasion de la sous-location envisagée ;

– d’autre part, la sous-location régulière offre des prérogatives au bailleur (réajustement du loyer si le sous-loyer pratiqué par le locataire principal est supérieur au loyer que perçoit le bailleur) et au sous-locataire (droit direct au renouvellement de la sous-location, dans les conditions de celles-ci), de sorte que le bailleur doit pouvoir prendre connaissance des conditions de sous-location

La procédure stipulée à l’article L.145-31 alinéa 4 du Code de Commerce comprend plusieurs étapes :

  • au moins quinze jours avant la date prévue pour la signature de l’acte de sous-location, le locataire principal fait connaître au bailleur son intention de sous-louer.

Cette information doit se faire par acte d’huissier ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Idéalement, l’exploit d’huissier ou la lettre précisera les indications sur les lieu, date et heure de signature de l’acte.

  • au plus tard dans les quinze jours suivant la réception de cette information, le bailleur fait savoir s’il entend concourir à l’acte.

Dans ce cas, il faut bien entendu prévoir, dans l’acte de sous-location, les mentions de comparution relatives au bailleur, qui devient partie intervenante.

  • dans le cas où le bailleur refuse ou s’il omet de répondre, et uniquement si la première condition d’autorisation de la sous-location est remplie, l’acte de sous-location pourra être signé hors le concours du bailleur.

Il n’est pas inutile, dans l’acte de sous-location, de rappeler les diligences effectuées par le locataire principal aux fins de faire concourir le bailleur à l’acte.

Cette procédure est « a minima », ce qui signifie que le bail principal peut stipuler des conditions plus restrictives (délai d’information plus long, obligations relatives à la présentation du sous-locataire au bailleur, soumission au bailleur du projet d’acte de sous-location, etc…).

Il est important de noter que ces étapes doivent être obligatoirement suivies, et ce, même si la condition d’autorisation de sous-louer est remplie.

A cet égard, il a pu être jugé que le paiement direct de loyers par un sous-locataire, qui n’aurait pas appelé le bailleur à l’acte, ne saurait valoir renonciation du bailleur à faire valoir ses droits au titre du respect de ce mécanisme.

Une exception, néanmoins : l’hypothèse où le locataire principal serait dispensé par le bailleur, dans des termes et conditions non équivoques, de réaliser les formalités d’appel du bailleur à l’acte de sous-location.

III. CONCLUSION

On le voit, sous-louer tout ou partie de ses locaux commerciaux n’est pas nécessairement chose aisée, même si le parcours est finalement très balisé.

Le locataire principal, sur le point de conclure son bail commercial et qui envisagerait d’ores et déjà une sous-location, avec une autorisation de principe, souvent orale, du bailleur, sera bien avisé de faire stipuler, dans le bail, les conditions lui permettant de sous-louer sans avoir à multiplier les formalités par la suite.

On notera enfin qu’il importe peu que la sous-location consentie soit dérogatoire aux dispositions du statut des baux commerciaux : en particulier, une sous-location de moins de deux ans, régie par l’article L.145-5 du Code de Commerce, ou encore une sous-location portant sur la seule partie « habitation » d’un bail mixte, sera soumise aux conditions de l’article L.145-31 du Code de Commerce.

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