La pièce montée d’EURL : une nouvelle pâtisserie juridique à déguster sans modération !

Au cœur de l’été, notre Gouvernement continue, lui, de travailler.

Et voilà qu’il délivre le 31 juillet 2014 une ordonnance n° 2014-863 relative au droit des sociétés qui s’inscrit dans le programme de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises, pour lequel il avait obtenu le droit d’intervenir directement, suite à la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014.

Cette ordonnance était attendue et s’attaque à des problématiques aussi diverses que les cessions de parts dans les SNC et les SARL, les conventions réglementées dans les SA, les opérations sur titres et l’épineuse difficulté de la valorisation par expert des parts ou actions d’une société, qui a donné lieu à de nombreuses décisions de la Cour de Cassation (dont celle, remarquée et plus respectueuse de la liberté contractuelle rendue par la chambre commerciale le 11 mars 2014).

Mais, notre sujet du jour, plus circonscrit, est relatif à la levée d’une interdiction que certains praticiens ne semblaient pas connaître : l’interdiction de créer une chaîne verticale d’EURL.

Quelques explications : l’EURL ou entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, est une déclinaison de SARL : c’est une SARL avec un seul associé, propriétaire de toutes les parts sociales.

Créée par la loi n° 85-697 du 11 juillet 1985, cette société permet donc, de manière assez fictive, même si juridiquement pleinement efficace, d’interposer la personnalité morale d’une société entre un entrepreneur et les tiers. Cet « associé unique » peut même être gérant de la structure. Un tiers peut également porter le mandat social, si besoin.

Cet associé unique peut être une personne physique ou une personne morale.

La question qui pouvait se poser était de savoir si une EURL pouvait détenir une autre EURL (et ainsi de suite).

Plusieurs motivations pouvaient sous-tendre un tel schéma :

  • créer un groupe maîtrisé par une seule personne, le holding de titres unipersonnel ayant pour vocation exclusive de gérer les parts sociales d’autres sociétés unipersonnelles, lesquelles auraient des activités distinctes ;

 

  • tenter, pour l’associé personne physique, de se surprotéger en mettant en place une succession de limitations de responsabilité afin que le véritable entrepreneur personne physique ne soit jamais inquiété en cas de défaillance de l’EURL opérationnelle, en bout de chaine ;

 

  • ou bien encore, procéder à la cession des titres de la première EURL au profit d’une nouvelle société, en dégageant un profit pour l’associé unique, schéma qui est souvent décrié et par ailleurs difficile à financer.

A dire vrai, les motivations éminemment personnelles d’un tel schéma étaient difficilement justifiables.

Tant le « cash-out » dans une cession indirecte de titres à soi-même que la tentative de superposition de structures à responsabilité limitée laissaient peu de doutes sur les intentions réelles du propriétaire final des titres, qui oblitérait largement l’intérêt social des entités concernées.

L’administration fiscale ou les juges ne s’arrêtent pas à des considérations purement structurelles lorsqu’il s’agit de détricoter un schéma à la limite de la fraude ou de l’abus de droit.

Quoi qu’il en soit, la loi de 1985 apportait une réponse négative à cette structuration, par le biais de l’article L.223-5 du code de commerce.

Jusqu’à aujourd’hui, il n’était néanmoins pas rare de voir des chaines d’EURL, alors que ceci était purement et simplement interdit.

La limite de cette interdiction résidait dans sa sanction, prévue par le même article :  si tout intéressé pouvait demander la dissolution des sociétés irrégulièrement constituées, il existait toujours un délai pour régulariser, que le tribunal pouvait accorder ou que la loi accordait tacitement, en refusant aux juges le pouvoir de dissoudre si, le jour où il statuait au fond, la situation avait été solutionnée.

Egalement, lorsque l’irrégularité résultait de la réunion en une seule main de toutes les parts d’une société ayant plus d’un associé, la demande de dissolution ne pouvait être faite moins d’un an après la réunion des parts.

Surtout, seule la SARL à associée unique était atteinte par une telle interdiction. En effet, rien n’empêchait de faire détenir une SASU (société par actions simplifiée unipersonnelle), par une autre SASU.

Il fallait donc niveler les différents statuts et le Gouvernement a tiré les conclusions de cette situation, non pas en supprimant la possibilité de chaines de sociétés unipersonnelles, mais en abrogeant l’article L.223-5 du code de commerce.

A cet égard, le rapport au Président de la République, accompagnant cette mesure, relevait qu’elle « facilitera l’organisation des sociétés en leur permettant de se structurer sous forme de groupes et, ce faisant, de filialiser certaines de leurs activités« .

Désormais, ces montages sont légitimés et ceux qui n’y avaient vu aucun obstacle auparavant peuvent continuer à dormir tranquilles sur leurs deux oreilles !

 

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